Récemment, un ami vient diner. La conversation roule sur les sujets les plus banals jusqu’au moment où arrive, sans prévenir, « la question qui tue » :

  • Et toi, que penses-tu de toutes ces réformes scolaires ? Et de la ministre actuelle…
  • Tu fais allusion à la réforme récente du collège ? avancé-je prudent. Je trouve que c’est une bonne réforme, elle était nécessaire, me semble-t-il, pour ce que je connais plutôt assez bien ces sujets .
  • Mais comment peux-tu dire cela ? C’est une catastrophe !

In petto, je commence à échafauder tout un raisonnement. Je connais mon interlocuteur, il n’est pas spécialement favorable au gouvernement actuel. Il faudrait donc que je lui rappelle que le collège unique, instauré en 1975 sous Giscard d’Estaing, n’a guère été révisé depuis. Que le Socle commun de connaissances et de compétences a été instauré en 2006 par le ministre François Fillon. Que si notre système éducatif a plutôt bien réussi la massification scolaire, il peine à assurer l’équité, et qu’il faut bien tenter quelques réformes pour à la fois davantage diversifier les approches pédagogiques, favoriser la démarche de projet, mieux répondre aux besoins de tous les élèves tout en préservant le cadre commun propice à la construction d’un citoyen éclairé et ouvert à l’autre. Pendant que tout cela défile dans mon cerveau, je m’aperçois que ce sera peine perdue. Tout ce discours assez technique au fond est parfaitement inaudible. Les oracles ont déjà parlé, ils ont condamné sans appel !

  • Et sur quoi tu t’appuies pour défendre ce jugement ? dis-je avec une pointe de malice.
  • M’enfin, tout le monde le sait, tout le monde l’a dit. Et puis, je vois bien, avec mes petits enfants, comment cela se passe. Tout se dégrade, les enfants ne savent plus rien, l’orthographe, tout ça quoi !

Nous arrêterons là les frais de cette conversation qui tourne court. Moralité en deux volets. D’abord de la difficulté etc. (retour au titre de ce billet). Ensuite, on ne semble toujours pas savoir sortir de la confrontation des arguments d’autorité. Cela se conçoit, dans la mesure où moi-même, sur un sujet que je ne connais pas ou très peu, je serai tenté de faire confiance aux doctes sentences. Le « drame » sur ce sujet de l’école, c’est d’une part que chacun croit savoir (on a tous été élèves, presque tous parents d’élèves !), et d’autre part que, dans cette dernière période, si peu de voix se sont exprimées haut et fort en faveur de la réforme, qu’il aurait fallu bien du courage au citoyen de bonne volonté pour se forger son opinion.